Recherches vendéennes N°26 (2021)

La Vendée pendant et après 1914-1918

Dans les hôpitaux psychiatriques sous l’Occupation

Ce vingt-sixième numéro de Recherches vendéennes présente des études diverses qui témoignent de la vitalité de la recherche historique en Vendée, en cette période bien difficile de l’épidémie virale. On y trouvera les textes de trois communications lues lors de la journée de la Société d’émulation de la Vendée, d’octobre 2019, une des dernières manifestations culturelles avant les divers confinements et restrictions de toutes sortes. Il s’agissait de la journée consacrée, sur les lieux mêmes, aux drames vécus à l’Hôpital psychiatrique départemental de La Roche-sur-Yon durant l’Occupation. Cette journée était patronnée par la Préfecture et la direction de l’Hôpital Georges-Mazurelle. Déjà, Recherches vendéennes, dans son numéro de 2012, avaient évoqué cette tragédie dans un article de Jean Artarit concernant les malades mentaux alsaciens transférés en Vendée en mai 1940…

Un autre dossier de ce numéro revient sur la Première Guerre mondiale et on se souvient que la revue avait consacré deux numéros à la Grande Guerre, le n° 7 sous la direction d’Alain Gérard et le n° 14, sous celle de Jean Rousseau. Cette fois les textes ont été rassemblés par Gil de Guerry, président de la Société d’émulation de la Vendée et Yannis Suire, directeur du CVRH.

On trouvera également deux articles sur l’abbé de Rozand. Un ecclésiastique remarquable, homme de lettres, homme politique et surtout homme de sciences car botaniste reconnu. La découverte par Giancarlo Marconi, botaniste italien, d’un herbier de dix-sept volumes, conservé à Ravenne, vient mettre en lumière toute l’importance scientifique de l’œuvre de l’ancien chanoine de Luçon, ami et compagnon d’exil de Mgr de Mercy qui fait bien souvent référence à lui dans ses Lettres d’Émigration, publiées par Thierry Heckmann en 1993.À propos du terrorisme révolutionnaire, nous publions par ailleurs un article tout à fait fondamental pour la compréhension de phénomènes psychiques et sociaux qui se sont déroulés, non seulement lors de la Révolution française, mais encore et surtout par la suite.

C’est l’étude magistrale que Maÿlis Gaillard nous livre sur le conventionnel Francastel. Elle lui a donné pour titre : Un terroriste ordinaire. Il fait référence à deux livres sur la barbarie nazie parus dans les années quatre-vingt-dix : celui de Christopher Browning, Des Hommes ordinaires: le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la solution finale en Pologne, et celui de Daniel Goldhagen, Les Bourreaux volontaires d’Hitler, les Allemands ordinaires et l’Holocauste. Il y a là une parfaite congruence. En effet, le parallèle entre la France robespierriste de la Terreur et les régimes totalitaires du xxe siècle (et du xxie !) n’est malheureusement que trop évident. Francastel n’a pas la célébrité de son collègue Carrier, mais il lui est parfaitement semblable. Avec eux, l’individu perd toute capacité personnelle de critique et d’opposition aux règles dictées par le pouvoir.
« Je ne suis qu’un atome, la chose publique est tout », écrit le député de l’Eure, représentant en mission. On croirait là entendre quelque bourreau stalinien devenu à son tour victime de
l’infernale machine à tuer des régimes communistes.

Francastel, un homme assez médiocre, d’une formation banale, qui ne s’est pas fait auparavant connaître par une exaltation révolutionnaire prononcée (comme c’est le cas pour Lequinio), a pris sans état d’âme la place de Buzot, un Girondin qui a voulu s’opposer à la dérive totalitaire et en est mort. Il arrive à Angers, au centre de la Vendée militaire, et va se livrer à la destruction des populations insurgées(ou non-insurgées). Exécutions sommaires de masse, absence d’ordres écrits, obsession du travail « bien fait », totalement achevé et sans traces si possible. C’est le terrorisme sur une grande échelle que Francastel met en œuvre avec son double, Hentz. On extermine ! à la fin du programme dans cette terre maudite : « Il ne restera point d’habitants puisqu’on y aura tout détruit », écrit-il. Tandis que se déploient les « colonnes infernales », les représentants, par leur arrêté du 20 février 1794, chassent à quatre-vingts kilomètres de chez eux les « patriotes » du pays. La table rase ne prend en compte aucune situation individuelle. Lorsque la machine s’arrête et qu’après Thermidor il faut rendre des comptes, il nie et échappe à un procès qui paraissait inévitable grâce à l’amnistie votée par la Convention.
Carrier et Lebon servent de boucs émissaires, pour les autres, on efface. En effet, où auraient pu s’arrêter les mises en cause ? Se souvient-on qu’après les horreurs du régime des Khmers rouges, quand des milliers de Cambodgiens avaient assassiné près du tiers de leurs compatriotes, les procès ne concernèrent que quatre dirigeants et un seul exécutant, Douch, au parcours il est vrai spectaculaire ? Bourreau sans grand relief, personnalité peu sympathique et terne, Francastel apparaît comme un Eichmann ou un Douch qui seraient morts dans leur lit.

L’ensemble du numéro se situe dans la continuité des numéros précédents de Recherches vendéennes. Il est dans la veine des nombreux travaux historiques sur la Vendée, il n’en exclut aucun pan et surtout pas celui, toujours d’actualité et toujours en recherche, de la période révolutionnaire. Il préfigure d’autres numéros tout aussi riches.

Le Comité éditorial de la Société d’émulation
(Jean Artarit, Gilbert de Guerry, Thierry Heckmann, Dominique Souchet)
et Yannis Suire, directeur du Centre vendéen de recherches historiques.

SOMMAIRE
Jean Artarit, Gilbert (Gil) de Guerry, Thierry Heckmann, Dominique Souchet, Yannis Suire
Éditorial

DOSSIER : LA VENDÉE PENDANT ET APRÈS 1914-1918
Gilbert (Gil) de Guerry
Historiographie vendéenne de 14-18. D’anniversaire en anniversaire p. 9
Christian de Guerry
18 mars 1917, l’affaire du Hyacinthe-Yvonne p. 17
Guillaume Porchet
Des prisonniers allemands au travail dans le Marais poitevin p. 41
Yvon Drouet
Une commune du haut bocage vendéen pendant la Grande Guerre : Treize-Vents p. 49
Florence Regourd
1922-1923 : les années Martel en Vendée p. 75
Franck Beaupérin
« Un engagement au service de la mémoire » L’amicale des régiments fontenaisiens 1936-1977 p.103

DOSSIER : DANS LES HÔPITAUX PSYCHIATRIQUES SOUS L’OCCUPATION
Jean Artarit
La Grimaudière pendant la Seconde Guerre mondiale p.131
Michel Caire
La famine dans les hôpitaux psychiatriques français sous l’Occupation p.143
Odile Berthomeau
Marie, décédée à la Grimaudière en 1942 p.151

ÉTUDES
William Chevillon
L’architecture néoclassique des églises vendéennes au xixe  siècle : entre approche pragmatique et volonté moderniste p.159
Maÿlis Gaillard
Marie Pierre Adrien Francastel : un terroriste ordinaire p.171
Jean Artarit
L’abbé de Rozand, homme de lettres, politique et botaniste p.185
Michel Ulrich
Le sauvetage en mer côtier. Histoire de la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés(SCSN) et de son déploiement en Vendée p. 209

ACTUALITÉS
Un patrimoine d’os et d’airain, par Claire Durand et Laurent Blanchard p.225
Retour sur Félicie de Fauveau (1801-1886) : un fonds important acquis par l’Historial
de la Vendée,
par Éric Necker p. 233
Nouvelles de la Sèvre Niortaise, par Yannis Suire p. 241
Services et nouvelles ressources, par Emmanuelle Roy p.249
2021 au CVRH, par Yannis Suire p.253
Vie de la Société d’émulation de la Vendée en 2020-2021, par François-Xavier Brochard p.255


NOTE DE LECTURE
Alain Gérard
À propos du livre d’Armand Bérard, Auguste le Balafré : Auguste de La Rochejaquelein,
une épée au service de la légitimité
p. 261


COMPTES RENDUS
Françoise Hildesheimer, Le Péché philosophique ou le salut à la portée de tous, p. 269 ;
Élisabeth de Fontenay, La grâce et le progrès, Réflexions sur la Révolution française et la Vendée, p. 27